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Communiqué du Cedra, 16 mars 2023 - Les Brèves de Cigéo/Bure

Que s'est-il passé  récemment ? Entre actualités, annonces et bilans ? Toutes les infos autour de Cigéo et de la nucléarisation du territoire en Meuse/Haute-Marne ne peuvent pas faire l'objet d'un communiqué systématique. Il y aurait beaucoup trop à dire. Nous vous proposons donc régulièrement un récapitulatif des actualités et articles intéressants sur le sujet ! Bonne lecture !

*Image de l'aperçu empruntée au dessinateur Red ! de Reporterre

Nouvelle concertation de l'Andra : "Futurs chantiers liés à Cigéo : et si nous  en discutions ?

Charmant. Et si nous discutions tou-tes ensemble autour d'un petit verre du début d'un chantier qui rendra votre vie invivable ? Allons, habitant-es de Meuse Haute-Marne, vous êtes convié-es à participer à la destruction progressive de votre territoire pour Cigéo. Petit-es veinard-es !
Des nuisances que l'Andra qualifie de "ponctuelles" (ok, il s'agit là de concertations en vue de travaux d'archéologie préventive et d'investigations géologiques et géotechniques).. qui ne sont que le début d'un chantier annoncé pour un siècle et demi (et finalement ce serait peut-être plutôt 2/3), avant des nuisances pour l'éternité.

 

Les préfet-es qui se suivent en Meuse/Haute-Marne ont les mêmes présupposés sur Cigéo (et des pedigree similaires !)

D'après Xavier Delarue, nouveau préfet de Meuse..
1) Cigéo est un engagement fort du département (alors qu'une poignée seulement d'élus en est à l'origine et que le doute grandit dans leurs rangs)
2) Cigéo serait un énorme moteur pour l'activité économique (alors que des avis officiels comme celui de l'Autorité Environnementale préconisent a contrario de limiter le développement économique et démographie du territoire afin de prendre en compte le préjudice sanitaire)
3) Cigéo pourrait nourrir d'autres projets de territoire (alors qu'au contraire le risque du développement d'une mono-industrie nucléaire en Meuse/Haute-Marne nous pend au nez, d'autant plus dans un contexte de relance du nucléaire qui conduirait inévitablement à créer de nouveaux sites nucléaire pour la maintenance ou la gestion de l'aval de la filière).
Et quid de la sûreté du projet qui n'est pas démontrable et des incertitudes abyssales dont il faudrait s’accommoder ? Du coût qui est toujours inconnu ? Du monstrueux et tentaculaire chantier à venir et sans date de fin ? Cigéo mettrait le territoire en péril et verrouillerait son avenir.

 

Info tour dans les Vosges

Les Vosges : un département souvent oublié quand il s'agit de Cigéo ! La Meuse et la Haute-Marne se partagent le pactole et bénéficient de l'argent des GIP en échange du laboratoire, pas les Vosges. Or, la frontière du département n'est qu'à quelques kilomètres du site et il serait à ce titre particulièrement concerné par les impacts négatifs du projet, en terme d'image bien sûr, mais aussi de risques. Un chouette infotour a commencé, 12 dates jusqu'au 16 mai pour se remettre à jour sur le sujet, et qui tombe à pic pour mieux comprendre ce qui se joue aujourd'hui avec le projet de loi pour la relance du nucléaire qui fait l'objet de débats parlementaires actuels (on en parle en dernière partie du communiqué!).

Dates et lieux ici

 

L'Andra prend son bâton de pèlerin pour convaincre que dans sa DAC, tout va bien.

L'Andra fait la tournée des villages pour présenter sa demande d'autorisation de création et évidemment tout est sous contrôle, mais précise-t-elle que l'écart entre la théorie et la pratique est ponctué d'incertitudes et que sa présentation est déjà obsolète ? Sur les chiffres clefs de son powerpoint (15 kms2 de zone de stockage, 500m de profondeur, 25 milliards d'euros, 120 ans, 250 kms de galeries, 83000 m3 de déchets) le seul chiffre qui n'est pas amené à changer est 500 mètres de profondeur. Si relance du nucléaire il y a, tous ces chiffres vont doubler, tripler on n'en sait rien : coût, volumes, kilomètres de galeries, durée.. C'est le projet de l'inconnu, sans date de fin !

 

 

Lire l'article de l'Est Républicain du 17/02/2023 "Stockage des déchets nucléaires à Bure : présentation de la DAC dans les communes"

 

 

Non, on n'a pas les élu-es qu'on mérite !

Et c'est flagrant avec Franck Leroy, le nouveau président du Conseil Régional du Grand-Est. En visite en Haute-Marne mi-février, il a vanté le génie nucléaire... Mais Franck, il faut arrêter de piocher dans les vieilles ritournelles les yeux fermés. La filière nucléaire n'est pas un domaine d'excellence mais bat sérieusement de l'aile. Tout le soutien politique qu'elle reçoit avec le programme pour sa relance ne changera rien à son fiasco industriel et financier. Nos départements ne doivent pas compter sur une énergie du passé pour assurer leur avenir. Lui qui est aussi maire d'Epernay, cela ne l'inquiète pas pour le Champagne la proximité de sites nucléaires, de Moronvilliers, des sites aubois de stockage CSA et CIRES, de la centrale de Nogent qui risque d'ailleurs deux EPR, et du projet le plus dangereux et radioactif qui soit, Cigéo ? Qu’en pense le monde viticole ? Il préfère en parler le moins possible pour ne pas risquer l’association des mots champagne et radioactivité ? 

Et que dire de Nicolas Lacroix, le Président du Conseil départemental de la Haute-Marne. Qui refuse Unitech et sa laverie nucléaire qui ne collent pas avec la campagne d'attractivité "La Haute-Marne inspire, respire" mais qui accepte Cigéo, ses dangers incommensurables, ses risques millénaires et l'atteinte désastreuse à l'image de la Haute-Marne ! Le pouvoir de quelques millions d'euros ...

 

Des nouvelles du procès des malfaiteurs-trices de Bure

Fin janvier, nous apprenions la quasi relaxe suite au retentissant procès des malfaiteurs-trices de Bure : relaxe pour la plupart des chefs d'accusation, restaient 4 mois avec sursis pour 3 camarades pour avoir participé à un attroupement sans arme ! Un sacré camouflet pour le juge d'instruction et le procureur zélés qui ont construit de toutes pièces ce fantasme politico-judiciaire qui s'éloignait encore un peu plus. "Tout ça pour ça". Le mal était fait, cette instruction à charge pendant plusieurs années avait fait du mal à la lutte et bouleversé des vies, mais on savourait quand même. Même si depuis, le procureur a fait appel...

 

(Les gendarmes ont déploré dans leur gazette un "épilogue judiciaire décevant" - véridique - : c'est quoi au juste le monde idéal des forces de l'ordre ? La condamnation sans preuve ?!)

 

 

Lire Libération, 26/01/2023 : " "Une victoire politique" : les sept militants antinucléaires de Bure relaxés en appel"

 

 

Une autre instruction en cours : la répression à Bure continue

Jeudi 2 mars, une personne ayant participé au camp des Rayonnantes en 2021 a été perquisitionnée, placée en garde à vue et mise en examen. Un contrôle judiciaire — avec interdiction de se rendre en Meuse et de sortir du territoire — a aussi été mis en place, et un ordinateur a été saisi. Ouverture d'une information judiciaire qui permet de voler du matériel de la lutte contre Cigéo et d'intensifier la surveillance des lieux liés à la lutte, réflexe de contrôles judiciaires qui interdisent l'accès à un département entier sans limitation de durée : un goût de déjà vu ...
Lire l'article publié sur Bureburebure.info

 

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NUCLÉAIRE

FOCUS sur la semaine de l'atome dans l'hémicycle 

 

Le projet de loi visant l'accélération de la construction des réacteurs nucléaires est arrivé à l'Assemblée Nationale ce lundi. Présenté initialement comme une loi technique, il a fait parler de lui ces dernières semaines tant le Sénat et le Gouvernement ont cherché à redessiner ses contours et objectifs. Alors qu'en 2022, Macron annonçait sa volonté de construire 6 réacteurs et de réaliser des études de faisabilité pour 14, le tout premier article du projet de loi présenté en mars 2023 évoque d'emblée 14 nouveaux réacteurs : on s'éloigne déjà des 3 paires de réacteurs, c'est bien le scénario le plus nucléarisé qui est retenu. Présenté comme un projet de loi qui permettrait de grappiller quelques mois sur la construction des réacteurs, il fait l'impasse sur les origines évidentes du fiasco de l'EPR de Flamanville : ce ne sont pas des contraintes d'urbanisme ou des procédures administratives excessivement lourdes qui ont ralenti sa construction mais ses propres déboires.

 

Les discussions autour de ce projet de loi ont débuté au Sénat avant la fin du débat public sur la relance du nucléaire et se termineront à l'Assemblée nationale avant que la CNDP ne rende ses conclusions. On aurait pu espérer que ce calendrier pour le moins douteux en fasse bondir plus d'un, dans un sursaut de valeurs démocratiques. Mais le fait que le gouvernement commence à légiférer sur la construction des réacteurs dans ces conditions n'aura pas éveillé beaucoup de contestations. Le plan Messmer 2K22 s'accompagne d'un passage en force sur tous les fronts.

 

Dans l'hémicycle, ce sont les cerveaux qui semblent atomisés. Alors même que la construction de 6 réacteurs d'ici 2035 est intenable de l'aveu même du gouvernement (qui d'après la revue Contexte table plutôt sur 2040 pour la première paire, lire plus bas), l'extrême droite surenchère en souhaitant construire dix nouvelles centrales d'ici 2031 et dix autres d'ici 2036 alors que aucun industriel n'a pu attester de cette faisabilité. Les problèmes liés à la sécheresse ? L'extrême droite, dans toute l'expression de son climato-scepticisme, propose (sans blague) d'y répondre par un amendement... pour installer des collecteurs d'eau de pluie à côté des réacteurs ! La prise en compte du changement climatique est aussi malmenée : depuis son passage par la commission des affaires économiques, l'autorisation de construire des réacteurs en zone inondable a été rétablie dans le projet de loi et les démonstrations de sûreté pourraient se passer de cette prise en compte. Rappelons que le refroidissement des centrales nucléaires représente la deuxième activité la plus consommatrice d'eau en France avec 31% du total, juste après l'agriculture, mais devant la consommation en eau potable ou d'autres usages industriels. Ce projet de loi est aussi à rebours de la réalité sur la disponibilité de la ressource en eau et des enjeux climatiques. A-t-on déjà oublié que la moitié du parc nucléaire était à l'arrêt dernier parce que l'on manquait d'eau ?

Du côté des médias, les politiciens pro-nucléaires et éditorialistes habitués des antennes se partagent les émissions pour déballer une même vision politique qui ne tient pas deux secondes si elle est heurtée aux réalités industrielles de la relance ou à la question des moyens financiers. Nombre de journalistes se contentent de les laisser proférer leurs phrases toutes faites d'un média à l'autre. Et que dire des flagorneries, des prises de paroles particulièrement déséquilibrées et de la condescendance d'une journaliste bien connue, invitée hier sur LCP dans "ça vous regarde" ?

Le 28 min d'Arte du 14/03/2023 relevait un peu le niveau en accordant un temps conséquent au sujet du coût de la relance du nucléaire, au-delà des chiffres assénés par les petits soldats de l'atome sur les plateaux TV : si le gouvernement table 51,7 milliards pour la construction de 6 réacteurs, Corinne Lepage a justement rappelé la différence entre "le prix de départ et le prix d'arrivée", l'EPR de Flamanville ayant vu son coût estimé à 3 milliards gonfler jusqu'à 20 en prenant en compte les intérêts financiers. Dans le rapport de travail du gouvernement révélé par la revue Contexte en 2021, il se montrait bien plus prudent, évoquant un coût de 57 milliards voire de 64 milliards selon les hypothèses retenues. La première estimation par EDF était de 46 milliards en 2020 : en un an, le chiffrage prenait ainsi 18 milliards dans sa fourchette haute. Il n'y a pas que le risque d'un surcoût qui est réel, la durée de construction est aussi un paramètre incertain. La construction de 6 réacteurs d'ici 2035 ? Le gouvernement n'y croit pas non plus et s'attend à une mise en service de la première paire "vraisemblablement au plus tôt en 2040", s'étalant jusqu'en 2049 pour la 3ème. On peut en déduire que le gouvernement s'attend donc à construire 6 réacteurs d'ici 26 ans. Et on s'attaque là à l'argument phare de la relance : foncer dans le nucléaire pour sauver le climat ! Mais comment pourrait-on réduire "grâce au nucléaire" les gaz à effet de serre de 55% d'ici 2030 comme le préconise le GIEC avec 6 hypothétiques réacteurs d'ici 2050... alors que d'après la Cour des comptes il faudrait en compter une trentaine pour soutenir l'objectif de 50% de nucléaire dans le parc énergétique à ce même horizon ? Ou que le président d'honneur d'EDF, Pierre Gadonneix, préconise dans le média LaTribune de construire 56 réacteurs EPR (même s'il faut quand même être sacrément audacieux (gonflé) pour être à la fois celui qui a lancé l'EPR de Flamanville en 2004 et celui qui en 2023 préconise de construire 56 réacteurs) !

Pour nuancer le tout nucléaire, les partisans de l'atome expriment souvent la nécessité de mettre en place une stratégie bas carbone composée à la fois de nucléaire et d'énergies renouvelables. Sauf que comme l'a justement fait remarquer Corinne Lepage, les coûts d'investissements massifs dans le nucléaire se feront au détriment des énergies renouvelables comme cela a toujours été le cas : la France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs en énergies renouvelables en 2020.
Conclusion : tout porte à croire que d'ici 2050 il n'y aura pas de nouveau parc nucléaire (chouette) mais il n'y aura pas eu non plus de développement des énergies renouvelables, nous serons dans un sacré pétrin financier, pour le climat, tout en nous exposant au risque nucléaire pour des siècles supplémentaires ! Brillant !

Une bonne nouvelle dans ce carcan : l'Assemblée nationale a rejeté mardi 15/03 la fusion de l'IRSN dans l'ASN, projet qui suscitait de fortes  inquiétudes même dans les rangs des acteurs de l'industrie. IRSN et ASN resteront donc séparés contre l'avis du gouvernement qui justifiait ce choix par sa volonté de fluidifier le processus de décision, quitte à dégrader la sûreté nucléaire. Mais le gouvernement en restera-t-il là ?

 

Pour aller plus loin parmi la profusion d'articles sur le sujet :
Revue Contexte, octobre 2021 "Pas encore lancés, les futurs EPR déjà en retard et plus chers" : https://www.contexte.com/article/energie/info-contexte-nucleaire-pas-encore-lances-les-futurs-epr-deja-en-retard-et-plus-chers_140631.html
Un bon condensé des enjeux dans cet article de Reporterre, 15 mars 2023 "Démocratie, sûreté, pourquoi la loi sur le nucléaire pose problème" : https://reporterre.net/Democratie-surete-Pourquoi-la-loi-sur-le-nucleaire-pose-probleme