Que s'est-il passé récemment ? Entre actualités, annonces et bilans ? Toutes les infos autour de Cigéo et de la nucléarisation du territoire en Meuse/Haute-Marne ne peuvent pas faire l'objet d'un communiqué systématique. Il y aurait beaucoup trop à dire. Nous vous proposons donc régulièrement un récapitulatif des actualités et articles intéressants sur le sujet ! Bonne lecture !
*Image de l'aperçu empruntée au dessinateur Red ! de Reporterre
Nouvelle concertation de l'Andra : "Futurs chantiers liés à Cigéo : et si nous en discutions ?
Les préfet-es qui se suivent en Meuse/Haute-Marne ont les mêmes présupposés sur Cigéo (et des pedigree similaires !)
Info tour dans les Vosges
Les Vosges : un département souvent oublié quand il s'agit de Cigéo ! La Meuse et la Haute-Marne se partagent le pactole et bénéficient de l'argent des GIP en échange du
laboratoire, pas les Vosges. Or, la frontière du département n'est qu'à quelques kilomètres du site et il serait à ce titre particulièrement concerné par les impacts négatifs du projet, en terme
d'image bien sûr, mais aussi de risques. Un chouette infotour a commencé, 12 dates jusqu'au 16 mai pour se remettre à jour sur le sujet, et qui tombe à pic pour mieux comprendre ce qui se joue
aujourd'hui avec le projet de loi pour la relance du nucléaire qui fait l'objet de débats parlementaires actuels (on en parle en dernière partie du communiqué!).
Dates et lieux ici
L'Andra prend son bâton de pèlerin pour convaincre que dans sa DAC, tout va bien.
L'Andra fait la tournée des villages pour présenter sa demande d'autorisation de création et évidemment tout est sous contrôle, mais précise-t-elle que l'écart entre la théorie
et la pratique est ponctué d'incertitudes et que sa présentation est déjà obsolète ? Sur les chiffres clefs de son powerpoint (15 kms2 de zone de stockage, 500m de profondeur, 25 milliards
d'euros, 120 ans, 250 kms de galeries, 83000 m3 de déchets) le seul chiffre qui n'est pas amené à changer est 500 mètres de profondeur. Si relance du nucléaire il y a, tous ces chiffres vont
doubler, tripler on n'en sait rien : coût, volumes, kilomètres de galeries, durée.. C'est le projet de l'inconnu, sans date de fin !
Lire l'article de l'Est Républicain du 17/02/2023 "Stockage des déchets nucléaires à Bure : présentation de la DAC dans les communes"
Non, on n'a pas les élu-es qu'on mérite !
Et c'est flagrant avec Franck Leroy, le nouveau président du Conseil Régional du Grand-Est. En visite en Haute-Marne mi-février, il a vanté le génie nucléaire... Mais Franck, il faut arrêter de piocher dans les vieilles ritournelles les yeux fermés. La filière nucléaire n'est pas un domaine d'excellence mais bat sérieusement de l'aile. Tout le soutien politique qu'elle reçoit avec le programme pour sa relance ne changera rien à son fiasco industriel et financier. Nos départements ne doivent pas compter sur une énergie du passé pour assurer leur avenir. Lui qui est aussi maire d'Epernay, cela ne l'inquiète pas pour le Champagne la proximité de sites nucléaires, de Moronvilliers, des sites aubois de stockage CSA et CIRES, de la centrale de Nogent qui risque d'ailleurs deux EPR, et du projet le plus dangereux et radioactif qui soit, Cigéo ? Qu’en pense le monde viticole ? Il préfère en parler le moins possible pour ne pas risquer l’association des mots champagne et radioactivité ?
Et que dire de Nicolas Lacroix, le Président du Conseil départemental de la Haute-Marne. Qui refuse Unitech et sa laverie nucléaire qui ne collent pas avec la campagne
d'attractivité "La Haute-Marne inspire, respire" mais qui accepte Cigéo, ses dangers incommensurables, ses risques millénaires et l'atteinte désastreuse à l'image de la Haute-Marne ! Le pouvoir
de quelques millions d'euros ...
Des nouvelles du procès des malfaiteurs-trices de Bure
Une autre instruction en cours : la répression à Bure continue
NUCLÉAIRE
FOCUS sur la semaine de l'atome dans l'hémicycle
Le projet de loi visant l'accélération de la construction des réacteurs nucléaires est arrivé à l'Assemblée Nationale ce lundi. Présenté initialement comme une loi technique, il a fait parler de lui ces dernières semaines tant le Sénat et le Gouvernement ont cherché à redessiner ses contours et objectifs. Alors qu'en 2022, Macron annonçait sa volonté de construire 6 réacteurs et de réaliser des études de faisabilité pour 14, le tout premier article du projet de loi présenté en mars 2023 évoque d'emblée 14 nouveaux réacteurs : on s'éloigne déjà des 3 paires de réacteurs, c'est bien le scénario le plus nucléarisé qui est retenu. Présenté comme un projet de loi qui permettrait de grappiller quelques mois sur la construction des réacteurs, il fait l'impasse sur les origines évidentes du fiasco de l'EPR de Flamanville : ce ne sont pas des contraintes d'urbanisme ou des procédures administratives excessivement lourdes qui ont ralenti sa construction mais ses propres déboires.
Dans l'hémicycle, ce sont les cerveaux qui semblent atomisés. Alors même que la construction de 6 réacteurs d'ici 2035 est intenable de l'aveu même du gouvernement (qui d'après la revue Contexte table plutôt sur 2040 pour la première paire, lire plus bas), l'extrême droite surenchère en souhaitant construire dix nouvelles centrales d'ici 2031 et dix autres d'ici 2036 alors que aucun industriel n'a pu attester de cette faisabilité. Les problèmes liés à la sécheresse ? L'extrême droite, dans toute l'expression de son climato-scepticisme, propose (sans blague) d'y répondre par un amendement... pour installer des collecteurs d'eau de pluie à côté des réacteurs ! La prise en compte du changement climatique est aussi malmenée : depuis son passage par la commission des affaires économiques, l'autorisation de construire des réacteurs en zone inondable a été rétablie dans le projet de loi et les démonstrations de sûreté pourraient se passer de cette prise en compte. Rappelons que le refroidissement des centrales nucléaires représente la deuxième activité la plus consommatrice d'eau en France avec 31% du total, juste après l'agriculture, mais devant la consommation en eau potable ou d'autres usages industriels. Ce projet de loi est aussi à rebours de la réalité sur la disponibilité de la ressource en eau et des enjeux climatiques. A-t-on déjà oublié que la moitié du parc nucléaire était à l'arrêt dernier parce que l'on manquait d'eau ?
Du côté des médias, les politiciens pro-nucléaires et éditorialistes habitués des antennes se partagent les émissions pour déballer une même vision politique qui ne tient pas deux secondes si elle est heurtée aux réalités industrielles de la relance ou à la question des moyens financiers. Nombre de journalistes se contentent de les laisser proférer leurs phrases toutes faites d'un média à l'autre. Et que dire des flagorneries, des prises de paroles particulièrement déséquilibrées et de la condescendance d'une journaliste bien connue, invitée hier sur LCP dans "ça vous regarde" ?
Le 28 min d'Arte du 14/03/2023 relevait un peu le niveau en accordant un temps conséquent au sujet du coût de la relance du nucléaire, au-delà des chiffres assénés par les petits soldats de l'atome sur les plateaux TV : si le gouvernement table 51,7 milliards pour la construction de 6 réacteurs, Corinne Lepage a justement rappelé la différence entre "le prix de départ et le prix d'arrivée", l'EPR de Flamanville ayant vu son coût estimé à 3 milliards gonfler jusqu'à 20 en prenant en compte les intérêts financiers. Dans le rapport de travail du gouvernement révélé par la revue Contexte en 2021, il se montrait bien plus prudent, évoquant un coût de 57 milliards voire de 64 milliards selon les hypothèses retenues. La première estimation par EDF était de 46 milliards en 2020 : en un an, le chiffrage prenait ainsi 18 milliards dans sa fourchette haute. Il n'y a pas que le risque d'un surcoût qui est réel, la durée de construction est aussi un paramètre incertain. La construction de 6 réacteurs d'ici 2035 ? Le gouvernement n'y croit pas non plus et s'attend à une mise en service de la première paire "vraisemblablement au plus tôt en 2040", s'étalant jusqu'en 2049 pour la 3ème. On peut en déduire que le gouvernement s'attend donc à construire 6 réacteurs d'ici 26 ans. Et on s'attaque là à l'argument phare de la relance : foncer dans le nucléaire pour sauver le climat ! Mais comment pourrait-on réduire "grâce au nucléaire" les gaz à effet de serre de 55% d'ici 2030 comme le préconise le GIEC avec 6 hypothétiques réacteurs d'ici 2050... alors que d'après la Cour des comptes il faudrait en compter une trentaine pour soutenir l'objectif de 50% de nucléaire dans le parc énergétique à ce même horizon ? Ou que le président d'honneur d'EDF, Pierre Gadonneix, préconise dans le média LaTribune de construire 56 réacteurs EPR (même s'il faut quand même être sacrément audacieux (gonflé) pour être à la fois celui qui a lancé l'EPR de Flamanville en 2004 et celui qui en 2023 préconise de construire 56 réacteurs) !
Pour nuancer le tout nucléaire, les partisans de l'atome expriment souvent la nécessité de mettre en place une stratégie bas carbone composée à la fois de nucléaire et d'énergies renouvelables.
Sauf que comme l'a justement fait remarquer Corinne Lepage, les coûts d'investissements massifs dans le nucléaire se feront au détriment des énergies renouvelables comme cela a toujours été le
cas : la France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs en énergies renouvelables en 2020.
Conclusion : tout porte à croire que d'ici 2050 il n'y aura pas de nouveau parc nucléaire (chouette) mais il n'y aura pas eu non plus de développement des énergies renouvelables,
nous serons dans un sacré pétrin financier, pour le climat, tout en nous exposant au risque nucléaire pour des siècles supplémentaires ! Brillant !
Revue Contexte, octobre 2021 "Pas encore lancés, les futurs EPR déjà en retard et plus chers" : https://www.contexte.com/
Un bon condensé des enjeux dans cet article de Reporterre, 15 mars 2023 "Démocratie, sûreté, pourquoi la loi sur le nucléaire pose problème" : https://reporterre.net/