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La semaine de Cigéo/Bure : les informations qu'il ne fallait pas louper !

 

Stocamine, ou la bombe à retardement alsacienne

 

… qui pourrait nous faire éviter la bombe à retardement haut-marno-meusienne s’il en était pris acte !

 

Ah Stocamine… LE centre souterrain de déchets chimiques de référence pendant longtemps, mis en avant par les pro-enfouissement des déchets radioactifs, promis comme réversible aux habitant-es à l'époque... et devenu soudainement tabou pour les pro-Cigéo car depuis un incendie en profondeur en 2002 (bye-bye la réversibilité) ces déchets ultimes menacent de contaminer la plus grande nappe phréatique d'Europe. Depuis 2017, l'Etat avait décidé de fermer à jamais le site et d’abandonner les déchets dans les sous-sols, mais un rapport parlementaire rédigé par trois députés du Bas-Rhin et du Haut-Rhin préconise l'extraction de ces déchets au nom du principe de précaution (le Monde : Stocamine, les députés éreintent le projet et pointent des risques considérables).

 

Pour la petite histoire (que l’on aime bien raconter !), Pierre Franck Chevet qui est à la tête de l’ASN… n’était autre que le Directeur de la DRIRE Alsace lorsque Stocamine a été autorisé (et la réversibilité et la sûreté du stockage garanties) !  

 

R.A.S ! Aucun développement économique prévu en Meuse et en Haute-Marne (excepté le nucléaire) !

 

Et il n’y a pas que nous pour le dire. Nous, nous le savions bien que radioactivité et attractivité ne faisaient pas bon ménage. Nous ne pouvons pas dire que les élus locaux nous aient apporté quelconque crédit à l’époque. Et pourtant, 19 ans après le décret d’autorisation du laboratoire de recherche, même ceux qui n’étaient pas hostiles à Cigéo (à condition que les promesses d’emploi et de développement soient honorées…) finissent par poser ce même constat.

 

Le Maire de Montiers-sur-Saulx Daniel Ruhland a créé l’association anti-Andra suite à la décision récente du conseil départemental de la Meuse de supprimer trois écoles, dont celle de son village. La rentrée 2018 pour les Monastériens et les enfants des villages alentours s’apparente à un calvaire. Se rendre à l’école chaque jour et en revenir est un véritable parcours du combattant, entre trajets quotidiens longs et routes dangereuses empruntées. Et ce n’est certainement pas Claude Léonard, président du conseil départemental qui a su (ou plutôt à chercher à !) l’éviter. Il faut dire que Montiers-sur-Saulx a pour désavantage d’être éloigné de Montmédy à l’échelle de la Meuse ; le fief dont il a été Maire durant 25 ans quand même. Ce n’est pas le cas de l’Othain à Marville, à proximité de Montmédy, dont le plan d’eau ne répond plus aux normes environnementales en vigueur. Et la suppression du plan d’eau, ça, il ne peut pas l’envisager, parce que « si l’on accepte des déchets nucléaires en Meuse, on est en droit d’attendre aussi des compensations qui pourraient servir, pourquoi pas, à cette passe à poissons… ».  Des compensations, oui, mais surtout chez lui !

 

Ce mercredi, Emilie Cariou, députée du nord-meusien, déplorait quant à elle l’absence de création d’activité économique conséquente au laboratoire Cigéo en Meuse, précisant que l’argent du GIP devrait servir la Meuse tout entière et non les secteurs à proximité de Bure : « Le développement de l’ensemble de notre département est une condition essentielle de l’acceptabilité d’un projet si sensible. » Tous les voyants sont au rouge concernant Cigéo mais nos élu-es ferment les yeux et leurs doléances restent concentrées sur le développement économique du territoire et la répartition de la fiscalité.

 

Ce qui laisse sans voix reste avant tout la gouvernance du GIP. Le Président du GIP haut-marnais entretient depuis une vingtaine d’année un lien quasi charnel avec Cigéo, ce qui condamne d’emblée l’once de crédit que nous pourrions lui accorder. Celui qui gère cette structure aux 30 millions d’euros par an a aussi été reconnu coupable d’omission dans sa déclaration de patrimoine et de blanchiment de fraude fiscale… aurait-il le curriculum vitae adéquat pour la fonction ? Comble : son vice-président n’est autre que Michel Boulée, maire de Suzannecourt… commune qui pourrait accueillir la laverie nucléaire d’Unitech (la blanchisserie du nucléaire dont les eaux sales contaminées par la radioactivité et les détergents seraient déversées dans la Marne !) ! L’argent du GIP, financé par le nucléaire, retourne illico presto au nucléaire. En témoignent les 973 292 € alloués à un projet de démonstrateur de la descenderie (donc concernant Cigéo) par la société POMA au regard du compte-rendu du Conseil d’administration du GIP d’Haute-Marne du 12 mars 2018….

 

Le non-évènement de la semaine : la venue de Sébastien Lecornu à Bure ce jeudi !

 

Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat à la Transition Ecologique s’est promené en Haute-Marne et en Meuse notamment pour tenir un Comité de Haut niveau et selon nous, en multipliant les effets d’annonce, il s’est sacrément loupé. Quelle gymnastique de l’esprit manquant de souplesse que de vouloir à la fois promouvoir la transparence sans laisser la porte ouverte à la remise en question de Cigéo ! Cela donne un bilan assez bancal (même foireux) : Sébastien Lecornu réitère que selon lui « Cigéo est la moins pire des solutions » tout en annonçant la création d’un nouveau site/plate-forme dans le cadre d’une « opération de transparence inédite » où le citoyen aura accès aux travaux et analyses sur le sujet de l’Andra, de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, mais aussi des ONG comme le Réseau Sortir du Nucléaire, Greenpeace, Wise, ou encore d’experts indépendants et des associations opposées. En furetant sur le site, nous nous rendons vite compte de la dilution de l’information et du fait que le site reste avant tout un outil créé par le gouvernement pour servir l’acceptabilité sociale de Cigéo. Dans la « Foire A Questions », il le présente comme un projet qui va se faire.

 

Parce que nous ne souhaitons pas participer à cette farce et rentrer dans le jeu de l’hypocrisie, le gouvernement nous présentera probablement comme celles et ceux qui refusent le dialogue, comme celles et ceux qui refusent la main tendue. Sauf que nous ne sommes pas fermés par nature au dialogue, cela fait plus de 25 ans que nous participons aux différentes consultations publiques, aux débats publics, que nous répondons aux sollicitations. Nous choisissons simplement de ne pas participer à une concertation sous contrôle, orientée et orchestré. Le débat public est utilisé et inséré dans une vaste opération de communication bien maîtrisée. 

 

Les propos tenus par le secrétaire d’Etat confirment que le débat public à venir n’est en rien une rupture avec les précédents : une révolution véritable de ce processus participatif impliquerait qu’il soit possible de remettre en question Cigéo en son sein ET à son issue. C’est loin d’être un signal envoyé par le gouvernement : les déclarations de Sébastien Lecornu devant l’Andra sonnent comme des aveux et se révèlent à ce titre méprisantes à la fois pour la population et pour la Commission nationale du débat public : « Le parlement a déjà donné son accord au projet Cigéo. Il y a eu 3 lois en 1991, 2006 et 2016. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans un temps législatif. Le cadre légal existe. Maintenant on entre dans une phase opérationnelle. » Tout est dit…  Voilà l’intérêt que porte le gouvernement au débat public, voilà ses réelles intentions (et l'Andra le tweete fièrement !). Peu importe le débat, son déroulement, ses conclusions : le gouvernement souhaite passer à l'action ; le reste ne sera que du vernis démocratique pour asseoir un semblant de légitimité.