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Infos aussi croustillantes qu'inquiétantes issues du séminaire du 13 et 14 décembre de l'IRSN - La confirmation du mensonge originel de la réversibilité

 

 

 "L'implication de la société civile dans l'instruction d'un dossier d'expertise - Le cas de l'instruction du dossier d'options de sûreté de Cigéo"

 

 

 

Cigéo n’a jamais été autant remis en question. La thèse remarquée de Leny Patinaux soutenue en décembre dernier a mis en évidence que les salariés de l’Andra eux-mêmes doutaient, que l’Andra mentait, que la démonstration de la sûreté du stockage géologique à long terme était impossible à réaliser.

 

Après les inquiétudes du promoteur, il nous a semblé fort opportun de vous faire un retour sur l’état d’esprit des évaluateurs de Cigéo et en particulier de l’IRSN suite à un séminaire qui s’est déroulé fin 2017.

 

 

 

L’Association des élus opposés à Cigéo (EODRA) et nous-mêmes étions présents. Comme l’IRSN l’a rappelé autant que possible tout au long de ce séminaire, la société civile (membres du Clis de Bure, membres de la Conférence des citoyens issus du débat public de 2013) a été impliquée dans le processus de l’instruction du dossier d’options de sûreté (DOS) de Cigéo et uniquement dans ce cadre.

 

 

 

L’essence même de l’enfouissement, les dérives anti-démocratiques qui se cachent sous l’arnaque de l’accompagnement économique ; finalement ce qui constitue la colonne vertébrale de notre révolte fougueuse et acharnée depuis 20 ans ; n’a pas été abordé.

 

 

 

Néanmoins, à titiller la forme, peut-être réussirons-nous à remettre en question le fond ? Car c’est la bonne nouvelle : quand nous réalisons tout ce qu’il reste à réfléchir, à solutionner, à mettre en place, à répondre, à étudier, nous pouvons vous affirmer que NON, Cigéo ne tient pas la route à un an du dépôt de sa demande d’autorisation de création.

 

 

 

Et le pire, c’est que tout le monde le sait.

 

 

 

Même l’Andra, qui n’a fait qu’une apparition très brève pour ouvrir le séminaire lors de la première journée, et une timide intervention finale lors de la seconde. Son absence a été nettement remarquée, et si l’IRSN est venue à la rescousse à de nombreuses reprises pour pallier ce manque, le silence de l’exploitant a fait beaucoup parler* !

 

 

 

Non, nous n’avons jamais eu confiance en Cigéo (notamment parce qu’on nous a menti dès le début), et nous n’aurons jamais confiance. De multiples raisons sont venues corroborer cette affirmation péremptoire : des aveux émis du bout des lèvres, des petites phrases lâchées spontanément qui traduisent un échec en prévision, des doutes exprimés qui en disent longs… !

 

 

 

Avoir été présents ne nous a pas réconforté, mais nous a conforté dans la justesse de ce combat ! Ce communiqué en trois parties est destiné à vous convaincre, à la lumière des éléments entendus lors de ce séminaire, que Cigéo est une aberration atomique scandaleuse et inaboutie dans sa théorie (I), dans sa phase d’exploitation (II), et après-fermeture (III) …

 

 

 

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PARTIE I

 

La confirmation du mensonge originel de la réversibilité  

 

 

 

 

 

*Les difficultés techniques liées à la récupérabilité

 

 

 

L’IRSN ne devait pas avoir hâte de traiter ce sujet particulièrement sensible, notamment parce que quiconque maîtrise les aspects techniques du projet sait que Cigéo n’a rien de réversible et qu’il devient difficile de noyer le poisson. Aussi, lorsqu’elle avoue (à contre-cœur ?) après avoir rappelé les définitions de la réversibilité et de la récupérabilité que cette dernière « sera néanmoins dégressive », que « les opérations de fermeture augmentent la sûreté passive mais compliquent la récupérabilité », et que « plus on ferme plus il sera difficile de pouvoir y accéder et récupérer », on se dit…que c’est enfin dit. A demi-mot, dans un cercle restreint, mais on se charge de l’élargir.

 

 

 

L’IRSN est dans son rôle d’évaluateur lorsqu’il ajoute que la réversibilité « ça ne se décrète pas, ça se démontre », et qu’il a dans cet esprit demandé à l’Andra « de présenter dans le dossier de la DAC les dispositions qui pourraient être retenues en appui à un scénario hypothétique de retrait de colis potentiellement contaminés et dont la manutention reste possible en situation accidentelle et post-accidentelle. » * Nous comprenons bien qu’un stockage irréversible par nature pose des problèmes irrémédiables.

 

 

 

Un autre expert indépendant estime avec toute la rationalité que nous lui connaissons que « nous sommes dans le registre de la croyance, car [en raison du] simple fait d’avoir un colis contaminé, la hotte [censée assurer une protection contre les rayonnements] le serait aussi », ce qui condamne toute hypothèse de récupérabilité. Ce à quoi l’IRSN répond qu’« on ne voit pas d’élément majeur qui ne permettrait pas de créer une hotte avec des propriétés et des performances de confinement. » L’incertitude suscitée par l’expression « on ne voit pas » nous laisse pantois.

 

 

 

 

 

*Le mensonge !

 

 

 

Un expert indépendant s’était déjà exprimé plus tôt dans la journée et avait rappelé que la réversibilité était « une exigence gouvernementale, alors que le projet est par nature irréversible, même pendant la période d’exploitation » demandant à ce qu’ils arrêtent « de tourner autour du pot. » Un membre d’une association souligne à son tour « l’hypocrisie ». Il est vrai que le doute fut longtemps délibérément et savamment entretenu, la communication de l’Andra joue très bien son rôle puisqu’en Meuse et en Haute-Marne, précocement concernées, nombreux sont les habitants qui se disent qu’ « au pire, s’il y a un accident, on pourra toujours aller rechercher les déchets ! » L’Andra cherche à rendre le stockage acceptable, avec une habile manipulation autour de ces notions ambigües de réversibilité ou encore de phase-pilote.

 

 

 

*L’impossible réversibilité pour des raisons économiques

 

 

 

Dans le public, une personne intervient en abordant la question de la réversibilité à travers une toute autre approche : « l’irréversibilité totale n’existe pas ! par contre, c’est une question de coût. » Dans cette continuité une autre personne s’étonne « qu’il n’y ait aucun élément économique » dans cette présentation, poursuivant par un doux sarcasme « c’est normal ! ce sera trop cher, trop sophistiqué ! le coût, c’est très important ! est-ce atteignable économiquement ? » Nous y voilà !

 

 

 

La question qui se pose aujourd’hui dans le Haut-Rhin quant à Stocamine, centre souterrain de déchets chimiques de référence, promis comme réversible aux habitants, est devenu un sujet tabou pour les pro-Cigéo. * Et pour cause, depuis la survenue en 2002 d’un incendie en profondeur, ces déchets ultimes menacent de contaminer la plus grande nappe phréatique d’Europe. Et c’est bien le coût qui est au cœur de cette fatidique et épineuse question : faut-il (mais peut-on ?) remonter les déchets à la surface, ou doit-on fermer le centre et sa bombe à retardement chimique à jamais… tout en sachant que la première hypothèse serait largement plus onéreuse que la seconde ! L’avenir de Stocamine n’est pas scellé près de 20 ans après l’accident. Quelles seraient les conséquences d’un drame atomique à 500 mètres sous terre, sur lequel on ne saurait agir, ni pour récupérer les colis accidentés, ni pour sécuriser les lieux, ni pour reprendre l’exploitation… de surcroît dans des délais impérativement courts, l’urgence ne permettant pas des réflexions prolongées sur les aspects financiers !

 

 

 

La relation entre coût et sécurité est quasi dialectique. On ne peut pas aborder l’un sans l’autre et Stocamine en est la meilleure illustration. Une intervention fougueuse dans la salle renforce cette thèse : « Comment accepter que l’on aille vers une conception industrielle qui ne permet pas une vraie réversibilité et une récupérabilité ? Comment accepter que l’on allonge les galeries [et donc réduire les possibilités d’un stockage réversible] pour des raisons économiques et pour faciliter la vie des industriels ?! » En effet, en optimisant la conception et la surface, l’installation est de facto de moins en moins réversible ; on est passé de 55 alvéoles MAVL à 22 ce qui complexifie largement les interventions. En cas de panne de la ventilation des gaz radioactifs et autres joyeusetés, il serait nécessaire d’y remédier dans un délai de 2 semaines à 1 mois pour éviter l’explosion. Rappelons l’épisode du Waste Isolation Pilot Plan (WIPP), centre de stockage géologique de déchets nucléaires militaires, où à la suite d’une explosion due à une réaction chimique survenue pendant la période d’exploitation au bout seulement de 15 ans de mise en service, il fut nécessaire de mettre en place un nouveau système d’aération ?!

 

 

 

Notre lucidité est étonnamment confortée par l’IRSN lorsque, par ce que nous ressentons comme un aveu d’incertitude et de tension vis-à-vis de l’exploitant, l’IRSN s’avoue « de plus en plus saignant avec l’Andra, qui a encore beaucoup à produire d’ici la DAC », et poursuit avec une certaine familiarité que « nous avons été les premiers à considérer que s’il n’y a pas de possibilité de revenir sur un accident, c’est de l’enfumage, que nous sommes les premiers à avoir dit que la réversibilité après fermeture, c’était de l’enfumage ! »

 

 

 

 

 

ENSEIGNEMENTS :

 

Le stockage n’est pas réversible. C’est l’IRSN, un évaluateur de la sûreté nucléaire qui le dit. Pourtant, la réversibilité est une exigence durant la phase d’exploitation (environ 130 ans).

 

L’IRSN ne veut pas prononcer pas sur le curseur entre « sécurité » et « coût » alors que les deux sont intrinsèquement liés.

 

 

 

 

 

 

 

Soyez donc rassurés ! Si l’IRSN est aussi intransigeant avec lui-même qu’il se dit exigeant avec l’Andra, il aura l’honnêteté de dire qu’il est impossible d’assurer une vraie réversibilité notamment en cas d’accident, condition sine qua non d’un enfouissement dans les sous-sols.

 

C’est plié… enfin, sauf si NOUS sommes enfumés !

 

 

 

 

 

PROCHAINEMENT : Le festival d’incertitudes qui pèse sur la sûreté du stockage pendant la période d’exploitation

 

 

 

 

 

*1 : Nous avons très envie de préciser que l’Andra fuit le débat depuis quelques temps, se cachant tantôt derrière son évaluateur l’IRSN, tantôt derrière la SFEN ; excepté lorsqu’elle organise et finance elle-même le débat, prend soin de choisir les intervenants. Nous pensons notamment au débat organisé par Voxe.org à la demande de l’Andra, où nous avons tout de même participé, malgré des forces en présence précautionneusement choisies et largement déséquilibrées.

 

 

 

*: Ce qui signifie en d’autres termes moins barbares qu’actuellement l’Andra ne sait pas gérer les situations post accidentelles : surveiller, détecter, agir sur la source, éviter la contamination, reprendre l’activité d’exploitation.

 

 

 

*3 : Et nos suspicions sont renforcées depuis la nomination de Pierre Franck Chevet à la tête de l’ASN… qui n’était autre que le Directeur de la DRIRE Alsace lorsque Stocamine a été autorisé, avec la garantie appuyée que les conditions étaient optimales, le stockage réversible, avec les promesses d’emploi et enveloppes bien grasses qui allaient avec … Des cousins on vous dit !