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Nos inquiétudes quant à l’avis définitif à venir de l’Autorité de Sûreté Nucléaire sur le dossier d’options de sûreté de Cigéo

Communiqué du 13 Octobre 2017

 

Décryptage de la consultation du public

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Cet été, l’ASN, garante de la sécurité et de la sûreté dans le nucléaire, nous a demandé notre avis quant à deux sujets très sensibles, techniques, et politiques, et portant sur deux projets qui ne tiennent pas la route ! Nous étions invités à participer à une consultation publique relative à son projet d’avis visant à homologuer la cuve de l’E.P.R. de Flamanville que l’on sait défectueuse ! Ce mercredi 11 octobre, l’ASN a finalement validé la cuve défaillante, première étape nécessaire pour la mise en service du réacteur. Sa décision est éminemment politique, puisque ce feu vert était la condition posée par la Commission européenne pour le rachat par EDF de AREVA NP, et un refus aurait par ailleurs lourdement handicapé l’avenir du nucléaire. En validant, l’ASN entaille fortement la confiance de la population qu’elle peine à convaincre de son indépendance !

Nous sommes atterrés de l’homologation de la cuve passoire de l’E.P.R., l’ASN est largement sortie de son rôle en cédant à la pression des industriels, au mépris des exigences de sûreté et de sécurité.

 

Et maintenant, qu’attendre de l’ASN concernant la seconde consultation du public estivale ?

 

En effet, entre deux baignades, l’ASN nous proposait également de participer à une consultation publique portant sur son projet d’avis relatif au dossier d’options de sûreté du projet Cigéo déposé par l’Andra… qui met en avant des risques que l’on ne peut pas prendre !

Le projet d’avis ne démontre en rien la faisabilité d’un centre de stockage profond de déchets radioactifs ! A sa lecture, nous ressortons convaincus que le stockage en couche géologique profonde ne constitue pas une solution durable. Au contraire, la conception structurelle de l’installation est remise en question ; même l’inventaire des déchets est loin d’être clair et finalisé, alors que le laboratoire de recherche à Bure fêtera bientôt ses vingt ans. Cet échec de l’Andra repose entièrement sur les épaules des acteurs de l’industrie nucléaire, qui voyaient en ce stockage à vocation irréversible l’opportunité de véhiculer l’illusion d’une gestion exemplaire de la filière nucléaire. Il s’avère qu’aujourd’hui, la priorité doit être de pouvoir surveiller les déchets, de contrôler les installations, d’intervenir en cas d’incident ou, plus positivement, pour récupérer des déchets dans le cas d’une gestion plus pérenne. Et ça, la population l’a bien compris :

 

Nous avons pris le temps d’effectuer une lecture attentive et scrupuleuse de l’ensemble des commentaires. Voici les résultats* :

*Ces résultats sont approximatifs, malgré le souci de traduire le plus objectivement possible les propos des 148 participants.

 

21% approuvent le projet d’avis de l’autorité de sûreté

La majorité des avis s’articulent autour de trois types d’arguments :

  • Il n’y aurait pas d’alternative possible : alain38 estime ainsi que le stockage géologique est « la seule solution sûre à l’heure actuelle » ;
  • La mise en œuvre du projet et son instruction seraient démocratiques : quatreD souligne une « instruction très poussée par les appuis techniques de l’ASN » ; Lion « une instruction sérieuse qui a respecté les voies démocratiques. »
  • La confiance envers les spécialistes et la compétence des experts : Valenton « compte sur l’ASN et l’IRSN pour faire en sorte que le travail de l’ANDRA soit suffisamment contrôlé et vérifié » ; Ply3 est favorable « sur la base des travaux de l’Andra et de l’analyse faite par l’ASN, les appuis techniques et les groupes permanents et d’experts » ; HND « s’en remet aux décisions sûres de l’ASN et l’IRSN » ; Cilour fait « totalement confiance aux ingénieurs et techniciens de l’Andra et de l’industrie nucléaire française. »

 

Nous regrettons essentiellement :

  • La confiance aveugle envers les experts favorables à l’enfouissement, qui occulte les scientifiques indépendants qui s’y opposent et ayant également des compétences en la matière.
  • Un certain mépris envers la population non familière avec la technicité du sujet. Nous pensons ainsi à Jean-Michel Moroni, qui se présente comme un retraité d’EDF ayant une certaine maîtrise de la question et qui a à priori à ce titre « pleinement confiance en l’ASN. » Nous avons également en tête DPS, qui s’annonce comme étant ingénieur, et qui ajoute « qu’il va falloir faire pas mal de tri pour écarter les réactions épidermiques », ou Gichni qui précise que Cigéo doit être mené à bout « sans tergiversations et critiques inutiles et infondées. » Devrait-on entendre par là que ces questions sont réservées aux cols blancs et que toute opposition à Cigéo est irrationnelle ?
  • La méconnaissance que ce blanc-seing potentiellement compréhensible met en avant :

1) du contexte dans lequel s’insère cette consultation publique alors que l’ANDRA comme l’ASN sont loin d’être irréprochables.

2) du sujet :

*Que penser, lorsque Jacques43 semble sûr de lui lorsqu’il explique que « ne rien faire comme le proposent les opposants est certainement la pire solution » ?

*Ou lorsque Emmmanuel se dit favorable tout en précisant que « bien entendu il faut surveiller et conserver une réversibilité en fonction d’une évolution inattendue », alors que la réversibilité n’est qu’un leurre ?

57% le désapprouvent et affirment leur opposition au stockage géologique des déchets radioactifs en insistant sur :

  • Leur véritable maîtrise technique du vocabulaire du D.O.S, ainsi que leur appréhension des risques, et leur compréhension scientifique du sujet.
  • Leur manque de confiance envers la gouvernance du nucléaire, comme écobodrillologue, assez fataliste : « quand nous savons que la décision dépend de ceux qui ont choisi cet enfouissement, toute réaction contraire est condamnée à finir dans les limbes. »
  • Leur préférence envers un stockage en subsurface et surtout une gestion qui permettrait de surveiller et d’intervenir sur les déchets : ioan.bengel s’interroge : « pourquoi ne pas stocker les déchets en surface sur les sites déjà pollués ? » ; BAB préfère « les regrouper dans un endroit sûr en attendant de savoir mieux les retraiter ou de les réutiliser » ; dans cette continuité bianca juge « préférable de laisser les colis sur le site de production sous surveillance visuelle directe. »
  • Leur lucidité envers les motivations sous-jacentes de cette fausse solution, comme polopolo qui regrette que « l’on investisse en prenant un risque pour légitimer la production nucléaire. »

 

16% sont perplexes

Ainsi, Charlotte s’interroge : « que nous demande l’ASN ? Nous ne sommes pas des experts. » Elle s’en remet à l’ASN à partir du moment où celle-ci affirme que le stockage est sûr. Cette rubrique ne contient pas des avis neutres, mais réunit des personnes qui doutent, qui n’ont pas le sentiment d’avoir toutes les clefs pour s’approprier le D.O.S. Christineoph regrette le projet d’avis soit « difficile à appréhender pour un citoyen », Odile que « le dossier comporte beaucoup (beaucoup trop) de zones d’ombres et multiplie les risques. » Xavier a une approche ambigüe, considérant que « le stockage souterrain est la meilleure idée que nous ayons pour nous débarrasser des déchets nucléaires mais [qu]’elle n’est pas bonne. »

 

10% sont hors-sujet, ou égarés.

Plusieurs personnes ont pensé répondre à la consultation organisée sur l’alors projet de validation de la cuve de l’E.P.R. de Flamanville. Par ailleurs, nous avons fait le choix de classer ici les commentaires ciblés sur une contestation du nucléaire en général afin de ne comptabiliser dans la rubrique « avis défavorable » que les participants ayant fait des développements hostiles à l’enfouissement et au projet d’avis sur le D.O.S.

 

5% constituent des doublons.

 

Nous avons également remarqué ainsi qu’il est difficile, pour l’ensemble des participants, de rester concentrés sur l’analyse technique du dossier d’options de sûreté, objet de la consultation. Par exemple, jed29 se dit favorable à l’enfouissement et au projet d’avis, en s’appuyant notamment sur le fait que selon lui « seuls une minorité d’activistes écolo fascistes d’un nouveau genre s’opposent à ce projet », ou Berny, qui précise être un ancien directeur chez Areva, avant d’expliquer qu’il faut « que les pouvoirs publics contrôles enfin les opposants venus s’installer à Bure. » Ces affirmations hors-sol n’ont absolument pas lieu d’être dans le cadre de ce type de consultation.

 

 

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) nous utiliserait-elle pour légitimer ses choix ?

 

Comment l’ASN va-t-elle utiliser cette consultation ? Les résultats étant parlants et traduisant les inquiétudes de la population, un avis positif de l’ASN remettrait immanquablement en cause et pour le coup définitivement la crédibilité et l’écoute de l’ASN envers la société civile ... d’autant plus que c’est dehors de toute pression politique que l’avant-ministre Hulot s’était affiché comme étant contre le projet !

 

Par ailleurs, si l’ASN méprisait le rendu de ces observations citoyennes, nous nous demanderions d’autant plus l’intérêt de cette procédure. Pourquoi avoir lancé ces dits « O.R.N.I. » (objets réglementaires non identifiés) hors cadre légal et réglementaire, alors qu’elle n’y était absolument pas tenue, sinon pour nous donner l’illusion d’être associés aux décisions prises dans le domaine du nucléaire ? Nous avons toujours été les vilains petits canards du processus décisionnel du nucléaire : loin de devenir des acteurs, serions-nous uniquement destinés à servir de caution à la mise en œuvre de ces projets ?

 

 

Nous en saurons bientôt plus !